samedi 23 novembre 2019

Gestion de l’eau à Cognac : Tergiversations, arnaque et scandales

SOMMAIRE
  • Mode de gestion : la régie toujours pour peut-être plus tard
  • Le coût de gestion du service : une arnaque depuis 50 ans
  • Grand Cognac : la transparence, c’est quoi
  • Vers une vraie gestion ? Le scandale de l’entretien du réseau
  • Point positif : les pertes en lignes dans la normal
  • Conclusion
Depuis 2017 c’est l’agglomération Grand-Cognac qui a repris la gestion de l’eau et de l’assainissement sur le secteur de Cognac. Précédemment c’était le syndicat SIEAAC qui en assurait la gestion. SIEAAC qui en délégué la gestion à l’opérateur privé Veolia depuis 47 années.
Grand-Cognac a donc à gérer 7 collectivités pour l’eau, 26 pour l’assainissement collectif (égouts) ainsi que 13 secteurs d’assainissement non collectif (fosse septique individuelle).

La semaine dernière Grand-Cognac a pris la décision, sans tambour ni trompette, de renouveler la délégation de services publics de distribution de l'eau potable, en la confiant à la société SAUR.

Mode de gestion : la régie toujours pour plus tard (peut-être)

Depuis toujours notre association défend l’opportunité de reprendre la gestion en direct par nos élus (représentant des citoyens) de manière à mieux gérer le service d’eau et d’assainissement.
On sait depuis des années désormais que la gestion directe (dite en régie) présente de très nombreux avantages (meilleure connaissance technique, frais de gestion réduits, implication possible des citoyens, éventuels bénéfices investis à 100 %…) et peu d’inconvénients (un peu de travail pour les élus).
Ceci a notamment été démontré par de nombreux rapports officiels et dans la réalité par les nombreuses collectivités locales qui sont revenues en gestion directe (régie) depuis une vingtaine d’années et ce à toute taille de service.
Ce mode de gestion peut être performant et même bien plus qu’une entreprise privée, si la volonté des élus est là.

Grand Cognac après avoir annoncé « réfléchir à la gestion en régie », a toutefois fait (comme le SIEAAC précédemment) encore une fois le choix de la délégation à une société privée : désormais ce sera la SAUR au lieu de Veolia, repoussant une hypothétique régie à plus tard…

Cela démontre, toutefois, indirectement le bien fondé de la gestion en régie, car les principaux arguments que certains élus dogmatiques portent, sont ici battus en brèche :
  • En effet, si le changement d’une société privée à une autre (de Veolia à la Saur le 1er janvier prochain) est si simple, c’est bien qu’il y aura aucune difficulté à passer à une régie (qui ne sera qu’un autre acteur, mais géré directement par nos élus).
  • Quant au personnel, il restera en grande partie le même, seul l’encadrement change en général dans un tel cas. Il est de même tout aussi simple de conserver le personnel technique en cas de passage en régie.
    Car rappelons que la gestion en régie n’implique par forcément des fonctionnaires, la régie a autonomie financière par exemple, a un fonctionnement similaire, sur certains aspects, à une entreprise privée - les techniciens sont des employés (souvent issus de l’ancien gestionnaire privé) ; seule la direction est un(e) fonctionnaire.

Le coût de gestion du service : une arnaque depuis 50 ans ?

Ce nouveau contrat (de 10 années) a aussi le mérite (bien tristement) de démontrer que les coûts sont ridiculement élevés avec la gestion par le privé. Alors que Grand-Cognac se félicite d’avoir pu négocier une nouvelle baisse des coûts du service délégué, il serait peut-être plus vrai de dire que les usagers du secteur de Cognac ont payé leur eau 2 fois trop chère depuis 50 ans !

Ainsi en 2008 les usagers avaient « eu droit » à une réduction des coûts de 22 % lors du renouvellement de Veolia et cette fois-ci c’est une remise de 40 % qui permet à la SAUR d’emporter le contrat. Cela fait donc presque 50 ans que les usagers du secteur de Cognac payent leur eau le double de ce qu’elle vaut (on cumule à 53 % de baisse)…

On est donc en droit de se demander s’il n’y aurait pas encore de la marge ? Et il doit y en avoir puisque la SAUR ne saurait prendre un contrat pour perdre de l’argent ; en tant que société privée elle a pour mission principale de rapporter de l’argent à ses actionnaires (ce qui est normal pour le secteur privé).

Rappelons toutefois que la réduction de 2008 de 22 % était quasi virtuelle, car elle résultait notamment du fait que le changement des canalisations plomb avait été retiré du contrat avec Veolia et que c’était donc le SIEAAC qui en assumait directement la charge (donc les usagers via leur facture).
Ici avec la SAUR, n’ayant pas accès à ce stade au dossier, nous ne savons pas si cette réduction de 40 % est due a des réductions de services ou pas.

Dans la série des rappels, notre association avait fait en 2008 une évaluation des coûts avec une potentielle régie et nos estimations laissaient percevoir la possibilité de réduire de moitié les coûts de la gestion de l’eau. Ce qui finit par arriver en 2019 mais toujours avec le secteur privé, laissant percevoir que nos évaluations étaient probablement encore trop basses.


Grand Cognac : “la transparence, c’est quoi ?”

De 2008 à 2015 notre association faisait partie de la Commission Consultative des Services Publics Locaux (CCSPL) du SIEAAC. Depuis son absorption en 2017 par Grand Cognac, cette commission avait disparu. En 2018 nous avions déjà demandé des informations à Grand Cognac sur la remise en route de cette commission. Après de nombreuses requêtes, il nous avait finalement été répondu que cette commission n’avait pas été remise en route mais que ce serait bientôt le cas et que nous en faisions partie. Le rapprochement de la fin de contrat Veolia nécessitait que la dite commission se prononce sur ce point.

En 2019 nous avons renouvelé nos demandes lorsque finalement il nous avait été répondu (un peu tard) que ladite commission c’était bien réunie en septembre mais que nous n’en faisions pas partie (sic !).
Grand Cognac dans sa grande mansuétude a bien voulu nous communiquer le compte rendu de la commission, qui comporte 2 pages : sur une page et demie la liste des invités (dont le collectif de défense des services publics…) et en une ligne le compte rendu : « La commission approuve les rapports ») ; ce qui nous avance bien dans la compréhension du dossier puisque les rapports ne sont ni annexés, ni cités ; ça c’est du compte rendu concis. Et rien sur le renouvellement de contrat !

En débroussaillant les choses, il semble que Grand-Cognac ait "peut-être confondu" l’association départementale de défense des services publics avec la nôtre locale du secteur de Cognac, ce qui expliquerait peut être que nous n’ayons pas été reconduit dans notre présence à la CCSPL…
Mouais… Du coup on ne sait toujours pas si notre association fait partie de la dite commission. La seule chose sûre, c’est que l’on n’a pas été invité et que Grand Cognac ne nous a transmis aucune information…

N’ayant pas été convié à la Commission consultative qui aurait dû donner son avis sur les dossiers de candidatures, nous n’avons pu avoir AUCUNE information sur le choix du délégataire, les arguments avancés et même les dossiers de candidatures...
Grand Cognac aurait voulu nous enfumer, qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement… Ce qui n’est pas forcément le cas, en fait on ne sait rien. 


Vers une vraie gestion ?
Le scandale de l’entretien du réseau (384 années pour changer les tuyaux)

Le point positif c’est que Grand-Cognac annonce que les réductions des coûts ne seront pas appliqués directement aux usagers du secteur de Cognac, mais seront mis en péréquation avec tous les usagers de Grand-Cognac (des autres syndicats) et devraient aussi servir à remettre en état le réseau.

Et c’est là le second scandale de la gestion de l’eau.
Car depuis que notre association suit le dossier l’entretien sur le long terme du réseau d’eau est en berne (2000-2017). Alors que même les plus optimistes savent que les tuyaux ont une durée de vie moyenne d’environ 100 ans ; ce qui implique qu’en moyenne il faudrait renouveler (refaire neuf) 1 % du réseau tous les ans (pour suivre le rythme). Le réseau d’eau du secteur de Cognac n’a été renouvelé en moyenne qu’a 0,26 % sur les 17 dernières années. À moins de supposer que Veolia ait installé des tuyaux magiques qui aurait une durée de vie de 384 années, il y a là un sérieux problème pour l’avenir et un retard colossal à rattraper.

On notera, pour être complet, que depuis le nouveau contrat de 2008 avec Veolia les choses s’était un petit peu améliorées pour passer d’un renouvellement moyen de 0,2 % à environ 0,3 %. Mais encore loin du 1 % nécessaire pour une gestion perenne. Voir le graphique ci-dessous, ou l'on distingue parfaitement de nouveau contrat avec les sanctions potentielles si le taux de fuites dépasse 20%.

 

 

Point positif : les pertes en lignes dans la normale

L’analyse des taux de fuites ou perte sur le réseau d’eau montre qu’entre 2000 et 2017 les choses ont évolué dans le bon sens et que le secteur de Cognac est passé de mauvais élève (de 2000 à 2008) avec des pertes moyennes de 30 % a élevé avec des pertes dans la moyenne nationale (2009-2017) avec des pertes de l’ordre de 15-20 % et ce sous la menace de sanction. Voir le graphique ci-dessous ou l'on décerne à peine (en rouge) le renouvellement annuel du réseau.


Conclusion

Pour Grand Cognac, il s’agit à l’évidence d’un dossier très complexe (46 contrats différents) mais dont le traitement ne semble pas très clair et pour le moins peu transparent.
Les signes renvoyés comportent quelques points positifs (régie envisagée, expression de la volonté de refaire de l’entretien du réseau une priorité, volonté affichée de normaliser et fusionner toutes ces collectivités à terme) mais aussi des points négatifs et parfois contradictoires qui laissent à penser que la problématique n’est pas forcément bien cernée et que la volonté n’est pas là.

Tous les signaux nationaux permettent de ne plus pouvoir balayer le mode de gestion en régie d’un simple revers de manche (à moins de faire montre de dogmatisme), c’est désormais la constante tergiversation de nos élus locaux qui est inquiétante. Au mieux le choix d’une éventuelle régie est repoussé à 2030 avec comme seul argument, encore et toujours, l’impréparation.
Mais c’est l’argument servi depuis 2008, ça commence à faire long l’impréparation… Et cela exonère les élus actuels d’une décision puisqu’elle est remise à nouveau dans les mains de leurs successeurs.

En attendant, à chaque renouvellement de contrat à un délégataire privé, on découvre que précédemment les usagers payaient bien trop cher et que ce sujet, au moins aussi important que la santé, n’est pas géré avec transparence - c’est le moins qu’on puisse dire.
Au-delà des coûts une régie présenterait au moins l’avantage d’obliger nos élus à plus de transparence.

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